Les gros mots de Julien /9

© J. Malabry

Savez-vous de quoi j'ai envie ?

Me poser en haut de la dune du petit port de Mazou (en Bretagne évidemment), me remémorer ces journées d'été passées avec mon grand père, où, avec sa bienveillance et sa patience, il m'apprenait l'art de la pêche à la traîne et me parlait de l’océan. Envie de faire découvrir à ma fille mon petit coin de paradis, lui parler de l’histoire de cet homme qui a tant compté pour moi, lire un bon roman en dégustant un verre de vin et surtout prendre du temps pour ma famille.

Je rédige ces gros mots, sur l'application bloc note de mon téléphone, sous la couette, une oreille attentive à la moindre variation de la respiration de Jeanne qui subit de plein fouet les désagréments de la crèche. Il est minuit. J'entends le ballet des livreurs à scooter, nouvelle pollution sonore nocturne et je me rappelle que les seuls bruits de mes étés étaient celui des vagues sur les rochers et de la corne de brume du phare du Four annonçant une grasse matinée opportune pour cause de météo difficile. Minuit et ma vie est toujours tournée vers le travail, la ville ne dort pas encore, elle ne dort plus vraiment. Je reçois des mails d'un client, qui comme moi, n'a pas encore fini sa journée. Je les lirai demain , je suis préoccupé par autre chose.

Vous vous souvenez des gros mots précédents ? Je parlais du fait que nos habitudes de consommation avaient changé, qu'il nous fallait repenser le modèle culturel et s'adapter. Et bien les chiffres des études sont tombés et me donnent raison : la culture va mal. Les baisses de fréquentation et les changements d'habitudes font plonger les acteurs et lieux culturels dans une crise qui n'a pas encore été nommée comme telle par nos représentants.

Pourquoi dépenser et consommer dans les commerces et chez les artisans quand on peut rester chez soi et commander en ligne ? On sera livré en 30min, un repas à moitié chaud qui aura traversé la ville dans le sac isotherme douteux d'un livreur à scooteur qui se fout du code de la route. Un clic et une recherche plus tard on trouvera un film pas encore sorti en salle que l'on regardera sur l'écran 15 pouces de notre ordinateur portable et on se dira, tout en mangeant notre buns réalisé dans une dark kitchen livré en 30min, que la photographie du film est belle. Pauvre de nous. Est-ce cela l'avenir de la culture et du savoir vivre à la française ? Est-ce ce genre de vie que nos enfants vont devoir affronter ?

Je n'ai rien contre le progrès, bien au contraire, tant qu'il est synonyme de bien vivre et de bien être. Mais de grâce, gardons nos fondamentaux, allons au cinéma, au musée et dans les galeries d’art (ici c’est gratuit) en prendre plein les yeux, au restaurant et dans les cafés redécouvrir des saveurs travaillées avec passions, dans notre librairie de quartier pour trouver l'histoire qui nous fera voyager sur les recommandations d'un bouquiniste enflammé, en festival, dans les salles de concert, au stade voir un match... Bordel vivons ! Pour reprendre les mots de l'astrophysicien Aurélien Barrau : "cette décroissance je l'appelle de tous mes vœux" ; revenons à notre vie d'avant, celle tournée vers les gens et les plaisirs simples.

Bisous

Julien Malabry

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